Citoyenneté

FODIÉ

« Je voulais tenter ma chance en Europe. »

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Visa pour l'avenir

À 14 ans seulement, il quitte le Mali, traverse seul le désert, la mer Méditerranée et cinq pays avant d’arriver à Pantinoù il vit aujourd’hui à l’hôtel et a pu intégrer une classe d’accueil. Retour sur l’itinéraire de Fodié, un mineur isolé comme on appelle les jeunes migrants dans sa situation.
Portrait de Hana Levy, publié dans Canal n°277, avril 2019.

Comme des milliers de migrants avant lui, Fodié a traversé la moitié du globe et bravé mille dangers pour atteindre la France où il est venu chercher un avenir meilleur.

Lorsqu’à douze ans, son père meurt brutalement, Fodié doit travailler pour aider sa mère et ses petites sœurs à Bamako, au Mali.
Je voulais tenter ma chance en Europe ", explique-t-il. 
Alors, il part de nuit avec 25 000 francs CFA (moins de 40 euros) et pas un papier en poche. Il fait le trajet Bamako-Niamey en bus, se cache à l’arrière d’une fourgonnette pour entrer en Algérie, met des semaines à passer la frontière libyenne. Il souffre de faim, de déshydratation et est terrorisé par les passeurs dont il est la proie idéale.
Enfin, il embarque sur un bateau à Tripoli. Direction : l’Europe. Dans les soutes du navire sont entassés hommes, femmes et enfants avec, pour seule nourriture, des biscuits. "  Mes compagnons paniquaient et personne n’osait fermer l’œil. Les gens étaient malades de peur, moi-même j’ai cru mourir.  " Ce sont finalement les équipes de la Croix-Rouge Internationale qui les sauvent. 
Après avoir transité par un camp de réfugiés en Italie, il prend clandestinement le train pour Paris. Lui qui pensait " qu’une fois arrivé en Europe, [il serait]automatiquement riche ", vit quelque temps dans la gare de Lyon. Il a 15 ans.

Mais tout au long de son périple, le jeune Malien fait de belles rencontres. À l’image de cette famille ivoirienne qui l’accueille, de cette éducatrice qui rompt sa solitude grâce à des ateliers cuisine ou encore de cette femme qui lui offre des tickets de métro pour aller au tribunal de grande instance de Bobigny.

Le cas de Fodié, qui demande à " être scolarisé pour prétendre à une formation professionnelle et à un avenir meilleur ", est alors soumis à un juge pour enfants. Le statut de mineur non accompagné lui est reconnu. Cela lui garantit une prise en charge administrative, éducative, professionnelle et médicale d’un an par l’Aide sociale à l’enfance qui lui trouve un hôtel où résider et un établissement où être scolarisé. 

Pantin, enfin !
En septembre 2018, Fodié fait ainsi sa rentrée au collège Lavoisier. Dans sa classe d’intégration (UPE2A), il suit des cours de français intensifs avec de jeunes Congolais ou Algériens fraîchement arrivés comme lui. Il met les bouchées doubles pour rattraper son immense retard et s’avère vite être un élève exemplaire. Trop âgé, trop grand, Fodié peine pourtant à trouver sa place. Il souffre d’une solitude qui lui colle à la peau : " En cours, je suis seul, à la cantine, je suis seul et de retour à l’hôtel aussi.  "

Fin janvier, il intègre une classe pour élèves allophones plus adaptée à son âge, au lycée Simone-Weil. De quoi acquérir une formation professionnelle et obtenir un CAP. "Depuis tout petit, je dessine mais on m’a dissuadé de m’engager dans la mode, trop difficile, paraît-il. J’apprendrai donc la cuisine.  " 

Plus tard, Fodié rêve de rentrer au pays pour y travailler dans la mode, faire vivre sa famille et créer une association dédiée à la défense de la cause féminine "  pour sensibiliser les femmes et leur éviter de se marier trop jeunes".