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Enfance et éducation

Jean-Pierre ROSENCZVEIG

« Nous faisions de la politique au sens noble du terme car nous essayions de transformer la société, de réduire les injustices sociales en fabriquant du droit. »

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Six ans après avoir raccroché la robe de magistrat, Jean-Pierre Rosenczveig est toujours une voix qui compte. Car l’ancien président du tribunal pour enfants de Bobigny, qui vit à Pantin depuis trente ans, défend sans relâche la cause des plus jeunes. Rencontre, à l’occasion de la Journée internationale des droits de l’enfant, le 20 novembre.
Portrait de Guillaume Gesret, publié dans Canal n°291, novembre 2020.


Son visage nous est familier : on se souvient des passages à la télévision de ce juge charismatique et remuant. Jean-Pierre Rosenczveig ne s’est en effet jamais gêné pour s’exprimer librement, quitte à fâcher les responsables politiques au pouvoir. Au lendemain des émeutes en banlieue de 2005, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l’Intérieur, avait fustigé son supposé laxisme. Le maire de Drancy, Jean-Christophe Lagarde, allait même jusqu’à le qualifier de « juge Père Noël ». « Ces attaques ne m’ont jamais touché. J’étais protégé par mon statut… »

Réformer la société par le droit
Jean-Pierre Rosenczveig appartient à la première génération de magistrats qui a osé libérer la parole de la justice. Dans les années 70, il rejoint la « petite équipe » du Syndicat de la magistrature, connue pour ses positions marquées à gauche. « Nous étions des militants, des “juges rouges” a-t-on écrit. Nous faisions de la politique au sens noble du terme car nous essayions de transformer la société, de réduire les injustices sociales en fabriquant du droit. »
À l’arrivée de François Mitterrand à l’Élysée, la secrétaire d’État à la famille, Georgina Dufoix, lui propose une place au sein de son cabinet. « De 1981 à 1984, j’ai travaillé pour renforcer la protection des mineurs et pour imposer l’idée que l’enfant est une personne à part entière. » En 1992, il devient président du tribunal pour enfants de Bobigny. Pendant 22 ans, Jean-Pierre Rosenczveig voit défiler les « gosses » de Seine-Saint-Denis dans son bureau et devient la figure de proue d’une justice humaniste. Et quand on veut lui décerner la Légion d’honneur... il refuse. « À l’époque, la gauche était au pouvoir. Je n’allais pas me faire récompenser par des copains… » Le jour de son départ à la retraite, en 2014, plusieurs personnalités socialistes, parmi lesquels Christiane Taubira, Pierre Joxe ou encore Laurence Rossignol, étaient là pour saluer la carrière du haut fonctionnaire.

Encore et toujours engagé
Aujourd’hui, le Pantinois âgé de 73 ans vit avec sa femme dans une maison située près du canal de l’Ourcq. Il n’a pas de soucis à se faire pour ses trois enfants, devenus médecin, avocat et ingénieur. Ce sont plutôt les enfants des autres qui le préoccupent. Il prend d’ailleurs régulièrement position sur son blog hébergé par le journal Le Monde. Ces derniers jours, il s’est rendu à l’Assemblée nationale, invité par les députés en charge de traiter la question des migrants mineurs isolés. Lui qui préside l’association Espoir, structure au service des enfants, a donné son point de vue : « Les responsables politiques, relayés par les médias, abordent cette question sous l’angle de la sécurité. Or, il est essentiel de rappeler que la grande majorité de ces mineurs non accompagnés viennent en France pour survivre et faire vivre leur famille restée au pays. Ce ne sont pas des délinquants mais des enfants en grande difficulté. »